Le plus grand
musée du monde gît sous les eaux. Nul n'en connaît le nombre, de près ou de loin, mais des centaines, sinon des milliers de vaisseaux ont coulé au fil des siècles, emportant dans les
profondeurs amphores romaines, lingots d'or, canons et caisses de porcelaines de Chine. Mais jusqu'au milieu du XXe siècle, faute de pouvoir accéder à ce
musée englouti, les
océans pouvaient être comparés à un gigantesque coffre-fort dans lequel dormaient ces trésors des civilisations.
La législation
Il y a encore un demi-siècle, jusqu'à l'apparition du
scaphandre autonome, l'homme n'avait aucun moyen d'approcher les épaves des fonds marins. La première exploration sous-marine, œuvre du commandant
Cousteau, date de 1952, près de
Marseille. L'équipe ramena des amphores grecques et romaines, qui laissèrent les spécialistes perplexes car elles avaient au moins un siècle d'écart, avant qu'on ne s'aperçoive qu'elle avait fouillé sans s'en rendre compte deux épaves coulées au fond l'une sur l'autre.
Il n'y avait alors aucune législation et aucun organisme de référence, en France ou ailleurs, pour cette activité qui était totalement libre. Ministre de la Culture du général de Gaulle, André Malraux créa en 1966 le département des recherches archéologiques sous-marines du ministère des Affaires culturelles, tout en rendant obligatoire une déclaration dès qu'un vestige est découvert dans les eaux territoriales.
En 1989, suivant de deux ans une loi similaire aux Etats-Unis, la France s'est réservée l'entière propriété des trésors
sous-marins gisant dans ces eaux, alors qu'auparavant un partage était possible entre le découvreur et l'Etat, si ce dernier le souhaitait. Les déclarations de découverte ont dès lors sombré de quelque 250 par an à moins de 50. Pour contrecarrer cette chute, l'Etat a établi sept ans plus tard la possibilité de verser une prime au découvreur, qui peut aller jusqu'à plus de 30000 euros selon l'intérêt scientifique. Dans les faits, celle-ci est rarement versée. Le
risque du secret en vaut la chandelle, puisqu'une belle amphore antique peut se négocier plus de 1500 euros sur le marché.
Quelquefois, les chasseurs de trésors emportent le gros lot. L'un d'eux, à la réputation particulièrement sulfureuse, Michael Hatcher, a ainsi obtenu une centaine de millions de francs de la dispersion des porcelaines de Chine trouvées dans le Geldermalsen, navire hollandais disparu en 1752 en
mer de Chine.
«Tout cet argent qui circule alimente directement le péril, puisqu'il est recyclé dans de nouvelles explorations», s'indigne Lyndel Prott, spécialiste juridique du patrimoine culturel à l'UNESCO. Les Etats tolèrent une dilapidation des trésors sous la
mer qu'ils n'accepteraient jamais sous terre.»
La technologie rend désormais accessibles les épaves cachées au plus profond des
mers. Mais à qui appartiennent ces trésors?